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JUB : premières mesures provisoires, en attendant les décisions sur le fond !

Depuis son entrée en vigueur le 1er juin dernier, la JUB a compétence pour statuer sur la contrefaçon et la validité des brevets européens et des brevets européens à effet unitaire. Toutefois, pendant une période transitoire de 7 ans, renouvelable une fois, le titulaire d’un brevet européen « classique », pourra choisir pour la compétence de la JUB ou choisir de rester sous la compétence des tribunaux nationaux (« opt-out »).

Plusieurs contentieux ont été introduits devant la JUB qui, si elle n’a pas encore rendu de décision sur le fond, a récemment prononcé des mesures d’interdiction provisoire.

Le 22 juin 2023, la Division locale de Düsseldorf du Tribunal de première instance de la JUB, dans le cadre d’un litige opposant les sociétés myStromer AG et Revolt Zycling portant sur un brevet européen ayant trait à la mécanique de bicyclettes, a apprécié la recevabilité des demandes provisoires qui lui étaient soumises en constatant le caractère urgent de la demande et la validité apparente du brevet.

En ce qui concerne les mesures provisoires, elle a interdit à la défenderesse de procéder à toute offre, mise sur le marché, utilisation ou importation aux fins précitées, de structures combinées de cadres de bicyclettes qui contreferaient le brevet de la demanderesse sur les territoires des pays visés par ledit brevet européen, en l’occurrence Allemagne, Italie, Pays-Bas et Lichtenstein. Ces mesures sont assorties d’une astreinte pour chaque acte de violation d’un montant maximal de 250 000 euros.

Ces mesures provisoires de large portée territoriale ont évidemment été prononcées par la JUB en attente d’une décision sur le fond. MyStromer ayant assigné Revolt Zycling le 21 juillet 2023, il sera intéressant de suivre l’issue du contentieux.


Enjeux et dangers de l’intelligence artificielle sur le monde de l’art : une proposition de loi encadrant l’intelligence artificielle par le droit d’auteur

Le développement de l’intelligence artificielle (IA) suscite de vives inquiétudes dans le monde de la propriété intellectuelle, et en particulier en droit d’auteur. Conscients des enjeux, des députés ont présenté, le 12 septembre 2023, une proposition de loi visant à encadrer l’intelligence artificielle par le droit d’auteur.

Composée de quatre articles, l’idée qui sous-tend cette proposition est d’offrir une meilleure protection aux auteurs et artistes de la création qui, dans de nombreux domaines, souffrent économiquement des conséquences de l’IA générative. Le texte ne cherche pas à empêcher ou freiner l’utilisation de l’IA dans le monde de l’art, mais plutôt à assurer une meilleure rémunération des auteurs dont les œuvres ont été utilisées par l’IA dans son processus générateur d’œuvres.

L’article premier prévoit ainsi de soumettre l’intégration et l’exploitation par l’IA d’œuvres protégées à l’autorisation préalable des auteurs concernés, conformément au régime général fixé par le Code de la propriété intellectuelle.

La proposition vient également régler l’épineuse question de la titularité des droits sur les œuvres créées par l’IA générative « sans intervention humaine directe ». Dans cette hypothèse, seront considérés comme titulaires des droits sur ce type d’œuvre les auteurs des œuvres ayant initialement « permis de concevoir ladite œuvre artificielle », qui sera en outre soumise à la gestion collective des sociétés d’auteurs.

Les œuvres générées par l’IA devront enfin porter la mention correspondante « œuvre générée par l’IA », ainsi que le nom des auteurs dont les œuvres auront été utilisées dans le cadre du processus génératif de création par l’IA. Cette proposition permettrait alors d’identifier ces œuvres artificielles tout en respectant le droit moral des auteurs des œuvres préexistantes.

En pratique la question de l’applicabilité de ces dispositions va nécessairement se poser, dans la mesure où l’IA générative nécessite de traiter des quantités très importantes de données éventuellement protégées. Comment, par exemple, obtenir l’autorisation de milliers d’ayants droit ? Les débats parlementaires autour de cette proposition seront donc scrutés.


Publication du guide 2023 des allégations environnementales du CNC

Le Conseil National de la Consommation (CNC) a édité, le 26 mai 2023, son actualisation du guide pratique des allégations environnementales. Le guide dresse le cadre juridique mis en place pour lutter contre l’écoblanchiment (greenwashing), définit les notions d’allégations environnementales, les informations environnementales obligatoires, les labels et recommande les bonnes pratiques s’agissant de l’utilisation de ces allégations.

Dépourvu de valeur réglementaire, ce guide constitue néanmoins un socle de soft-law tant pour les entreprises que pour les consommateurs, ces derniers pouvant signaler les allégations d’une entreprise à travers la plateforme SignalConso, ou saisir l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP).

Pour remédier à l’absence de définition légale des allégations environnementales, le guide se réfère aux définitions données par la norme ISO 140211 : « une allégation est donc un message sur une ou plusieurs qualités ou caractéristiques environnementales du produit (ou de son emballage), qui permet de distinguer et valoriser un produit (bien ou service) ou son emballage ».

Le guide intègre les dispositions issues des lois récentes prises en considération de l’environnement. Il rappelle, au titre de la loi AGEC, qu’« il est interdit de faire figurer sur un produit ou un emballage les mentions « biodégradable », « respectueux de l’environnement » ou toute autre mention équivalente » (L. 541-9-1 du Code de l’environnement).

Il dresse une liste des allégations couramment employées faisant l’objet de réglementations particulières (ex : « durable », « emploi de ressources renouvelables », « recyclable ») et énonce un mode d’emploi pour ces termes.


Contrefaçon de droit d’auteur : la difficile originalité d’œuvres photographiques

Dans un arrêt du 12 septembre 2023, la Cour d’appel de Versailles a une fois de plus illustré la difficile protection de visuels de produits par le droit d’auteur, en confirmant le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Nanterre le 17 mars 2021 dans un litige opposant un graphiste à la société PIERRE FABRE DERMO-COSMETIQUE.

Le graphiste, ayant conçu des visuels pour différentes marques de PIERRE FABRE, reprochait à cette société une exploitation de certains de ces visuels en violation de ses droits d’auteur. Ce litige a donné lieu à la signature d’un protocole transactionnel régularisant l’utilisation passée desdits visuels. Mais constatant la poursuite de l’exploitation de certains d’entre eux, il a alors assigné la société PIERRE FABRE en contrefaçon de ses droits d’auteurs.

En première instance, le Tribunal s’est montré sévère dans l’appréciation de l’originalité des visuels soumis à son examen. Sur les huit visuels en litige, il a considéré qu’un seul d’entre eux remplissait le critère d’originalité permettant sa protection par le droit d’auteur, et condamné la société PIERRE FABRE à indemniser le graphiste à hauteur de 9.000 euros.

Saisie par le graphiste, la Cour d’appel a confirmé ce jugement. Elle a ainsi validé le protocole transactionnel ayant précédé le litige et rejeté toute qualification d’œuvre collective aux visuels en cause, avant de réexaminer chacun d’entre eux. Elle a notamment relevé, s’agissant de photographies de produits utilisées à des fins promotionnelles, que le graphiste avait mis en œuvre un savoir-faire purement technique, visant à mettre en valeur le produit. Ainsi :

Les jeux de lumière, modes de représentation en 3D, représentations différenciées des textures de produits ou autres ont été considérés comme dénués de toute originalité en lien avec des produits cosmétiques.
Des éléments tels que l’univers marin, la plage et le soleil ont été jugés classiques pour une crème solaire, excluant là encore la protection du visuel en cause par le droit d’auteur.
Enfin, l’impact des instructions de la société PIERRE FABRE a encore été pris en compte pour écarter le droit d’auteur.

Par exception, l’originalité d’un des visuels a été confirmée, celui-ci mettant en œuvre « un parti-pris esthétique et personnel » par la représentation d’une hélice d’ADN pour une eau « biotechnologique ».

Cette décision vient donc illustrer la sévérité dont font actuellement preuve les juridictions confrontées à des photographies promotionnelles de produits, dont la protection par le droit d’auteur paraît de plus en plus compromise.

Cour d’appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 12 septembre 2023, n° 21/05036.


Loi sur les influenceurs : un décret sur la liquidation des astreintes des influenceurs

Le 22 septembre 2023 est entré en vigueur le premier décret d’application (n°2023-887) précisant la loi du 9 juin 2023 sur les influenceurs en renforçant les pouvoirs de la DGCCRF sur les sanctions.

Jusqu’à présent, une dizaine d’influenceurs ont fait l’objet de diverses mesures de sanctions pour des pratiques commerciales trompeuses : épinglage sur le site de la DGCCRF, mesures d’injonctions administratives, obligations d’information des abonnés des faits reprochés, etc.

Le décret permet désormais à la DGCCRF de liquider les astreintes prononcées à l’égard d’influenceurs. Le montant des astreintes journalières est limité à 3.000 euros et ne peut excéder en totalité 300.000 euros (article L. 521-1 du Code de la consommation).

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