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Arrêt « Puma » du Tribunal de l’Union européenne : quand la renommée seule ne suffit pas à caractériser l’atteinte
(TUE 7 déc. 2022, T-623/21, Puma SE / EUIPO – Vaillant GmbH)

Suite au dépôt en 2018 d’une demande de marque de l’Union européenne « PUMA », désignant des produits en classe 11 (appareils et installations d’éclairage, de chauffage, de refroidissement…), la société PUMA SE a formé opposition sur la base de sa marque semi-figurative de l’Union européenne PUMA enregistrée quant à elle en classe 25 (articles d’habillement). Elle invoquait l’atteinte à la renommée de sa marque PUMA en vertu de l’article 8§5 du Règlement sur la marque de l’Union européenne. Cet article dispose qu’une demande de marque peut être refusée si plusieurs conditions cumulatives sont réunies, à savoir : (i) que la marque antérieure soit enregistrée, (ii) que les marques en litige soient identiques ou similaires, (iii) que la marque antérieure jouisse d’une renommée (dans l’Etat membre concerné ou dans l’Union, selon le cas), et (iv) que l’usage sans juste motif de la marque contestée conduise au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure.

Les deux instances de l’EUIPO avaient rejeté l’opposition en reconnaissant la renommée de la marque PUMA mais pas l’atteinte à celle-ci. Saisi d’un recours, le Tribunal de l’Union européenne va reprendre successivement les conditions de cet article pour finalement confirmer le rejet de l’opposition. Le point d’appréciation principal concernait donc la dernière condition, qui implique, comme le rappelle le Tribunal, que sans nécessairement les confondre, le public pertinent puisse établir un lien entre les deux marques similaires ou identiques (point 21). Le Tribunal rappelle ainsi les différents facteurs à prendre en compte s’agissant d’apprécier un tel lien, lesquels incluent notamment le degré de similitude entre les produits et services en présence.

Si le Tribunal a retenu que les publics pertinents des deux marques se recoupaient partiellement, il a cependant relevé que les produits en litige étaient tellement dissemblables, que la marque contestée était «insusceptible d’évoquer la marque antérieure dans l’esprit du public pertinent». Il en a déduit que malgré la similitude très élevée des deux signes ainsi que le «niveau élevé, voire extraordinairement élevé, de renommée» de la marque PUMA antérieure, aucun lien entre les marques n’était établi dans l’esprit du public.

Ainsi, par cette décision, le Tribunal réaffirme que la renommée de la marque antérieure n’est pas suffisante pour s’émanciper du principe de spécialité. La caractérisation du lien d’association dans l’esprit du public pertinent étant tout aussi importante pour l’application de l’article 8§5 RMUE.

Le Conseil d’Etat annule partiellement l’ordonnance de transposition de la Directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique

L’ordonnance n°2021-580 du 12 mai 2021 a transposé en droit français certaines dispositions de la Directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique. La Directive devait être transposée avant le 7 juin 2021.

Dans son arrêt du 15 novembre 2022, saisi d’un recours en annulation formé par le Comité pluridisciplinaire des artistes–auteurs et des artistes–autrices (CAAP) et par la Ligue des auteurs professionnels, le Conseil d’Etat a cependant partiellement annulé ladite ordonnance au motif que la transposition de la Directive précitée était imparfaite (Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 15 novembre 2022).

Le Conseil d’Etat vise en particulier la transposition des articles 18 et 20 de la Directive puisque l’exigence d’une rémunération proportionnelle et appropriée prévue par la Directive au bénéfice des auteurs n’est que partiellement transposée dans le Code de la propriété intellectuelle.

En pratique, ces dispositions de la Directive ont vocation à permettre aux auteurs de contester la rémunération prévue au contrat s’ils peuvent justifier par des éléments concrets d’un partage inéquitable de la valeur entre eux et leur cocontractant, sans avoir à être dans l’obligation de démontrer une lésion, c’est-à-dire une rémunération de l’auteur inférieure de plus de sept douzièmes aux droits d’exploitation réels (article L. 131-5 du Code de la propriété intellectuelle).

En attendant l’entrée en vigueur d’une ordonnance corrigée, les auteurs peuvent néanmoins invoquer directement les dispositions de la Directive dans leur recours puisque le délai de transposition est maintenant expiré.

Entrée en application du système du brevet unitaire : fin de l’attente

Après des années d’attente, le système du brevet unitaire entrera enfin en vigueur à compter du 1er juin 2023. Il va permettre, d’une part, l’enregistrement de brevets à effet unitaire en Europe (du moins au sein des pays adhérant au système) et, d’autre part, l’entrée en fonction de la Juridiction Unifiée du Brevet (« JUB »).

Les avantages attendus sont nombreux. Le brevet unitaire permettra en effet à son titulaire de bénéficier d’une protection uniforme sur le territoire d’application, et non plus de protections individuelles selon les Etats désignés, réduisant d’autant les coûts liés à son obtention. De même, les formalités d’enregistrement seront simplifiées.

Surtout, en conférant à la JUB une compétence exclusive pour connaître des litiges de contrefaçon et des actions en nullité des brevets unitaires et des brevets européens, l’Accord sur la JUB vient là encore faciliter les démarches et limiter les coûts pour les demandeurs. Ceux-ci ne seront en effet plus obligés d’agir devant les juridictions de chaque Etat désigné par le brevet en litige. De plus, ceux-ci pourront obtenir des injonctions et des dommages-intérêts, qui produiront effet dans toute l’Europe. Cette juridiction internationale permettra enfin l’émergence d’une jurisprudence harmonisée en matière de brevets, en supprimant le risque de décisions divergentes d’un Etat à l’autre au sujet d’un même brevet.

Lancement des discussions autour du Paquet dessins et modèles

Après la modernisation du cadre juridique applicable aux marques, le Conseil a invité la Commission à présenter des propositions de révision de la législation de l’UE relative aux dessins et modèles, c’est-à-dire la modification du Règlement sur les dessins ou modèles communautaires (CE) n°6/2002 et de la Directive sur la protection juridique des dessins ou modèles 98/71/CE, ce qu’elle a fait le 28 novembre 2022. Cette refonte annoncée s’inscrit dans le cadre du plan d’action de l’UE en faveur de la propriété intellectuelle, qui avait déjà donné lieu à l’adoption du Paquet marques.

Les propositions ont pour objectif d’harmoniser les législations et procédures nationales applicables aux dessins et modèles pour plus d’équité au sein de l’UE et de simplifier et rationaliser la procédure d’enregistrement.

Il y est notamment prévu de réduire les taxes pour les dix premières années de protection, de faciliter la représentation de dessins ou modèles dans la demande d’enregistrement ou encore de mettre en place la possibilité d’inclure plusieurs dessins et modèles dans une même demande.

Par ailleurs, la Commission propose d’intégrer dans la réglementation une « clause de réparation », c’est-à-dire la libéralisation totale et immédiate de la reproduction des nouveaux dessins ou modèles lorsqu’ils concernent des pièces de rechange de produits complexes.

Ces propositions de règlement et directive sur les dessins et modèles donnent lieu, depuis leur publication, à une consultation publique accessible jusqu’au 23 janvier 2023, dont les résultats devraient être pris en compte lors du processus d’adoption de ces textes. Une fois les textes définitifs adoptés par le Parlement européen et le Conseil, les Etats membres devront alors transposer les dispositions de la Directive 98/71/CE ainsi modifiée dans un délai de deux ans. Les différentes dispositions du Règlement (CE) n°6/2002 également modifié s’appliqueront quant à elles directement en droit interne.

La mission interministérielle sur les Métavers a rendu son rapport

Le rapport sur les métavers qu’avait entrepris de réaliser la mission interministérielle désignée conjointement par les ministères de l’Économie, de la Culture et du Numérique a été remis le 24 octobre 2022 aux ministres Jean-Noël Barrot et Rima Abdul Malak. Celui-ci vise à donner des clés de compréhension des Métavers, envisager les opportunités mais aussi les risques émergents et cibler les objectifs communs des différents acteurs pour les prochaines années.

Plus de 80 personnalités, professionnels et organismes ont été entendus pour la réalisation de ce rapport. Parmi eux des entrepreneurs de la réalité virtuelle et/ou augmentée, de la blockchain, des acteurs du monde de la culture, des artistes, des professionnels du jeu vidéo et autres chercheurs en sciences sociales, en intelligence artificielle et en informatique.

Le rapport sur les Métavers est la première véritable prise en compte institutionnelle sur le sujet. Les rapporteurs commencent par tenter de définir les métavers, qui se caractérisent comme étant des services en ligne «donnant accès à des simulations d’espaces en 3D en temps réels, partagées et persistantes, dans lesquelles on peut vivre des expériences immersives».

Les rapporteurs poursuivent en envisageant une stratégie « métaversique » pérenne pour la France et l’Europe, à savoir organiser l’infrastructure des Métavers, soutenir et promouvoir l’innovation dans le domaine, entamer au plus tôt leur régulation et enfin prendre en compte les enjeux sociétaux et environnementaux.

Du point de vue de la propriété intellectuelle les rapporteurs ont ciblé les enjeux pour les différents acteurs des Métavers et la protection de leurs droits. A ce titre il est notamment recommandé :
Pour les acteurs, d’étendre le portefeuille de marques avec de nouveaux dépôts, potentiellement de marques tridimensionnelles afin de protéger les biens numériques dans les métavers ;
– D’acquérir des noms de domaine pertinents disponibles sur la blockchain (par exemple, avec les nouvelles extensions « .crypto » et « .eth ») ;
– D’insérer l’usage spécifique d’une œuvre dans les métavers dans les contrats/clauses de licence et de cession de droits, conformément à l’article L. 131-3 du CPI ;
Pour les plateformes, de mettre en place des outils de détection des actes illicites dans les métavers et d’identification numérique, ainsi que des outils permettant de solliciter via des plaintes la suppression des offres de contrefaçons ou autres violations de marques.


Compte tenu de la diversité des enjeux et de leur ampleur, les auteurs appellent à ce que des études approfondies sur les différents thèmes abordés dans ce rapport soient entreprises. Ceci n’est pas sans rappeler le rapport du CSPLA sur les NFT que nous évoquions dans notre précédente newsletter !

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