
Le projet de loi Industrie verte favorise la prise en compte des enjeux environnementaux dans la commande publique.
Le projet de loi relatif à l’industrie verte, déposé au Sénat le 16 mai et transmis à l’Assemblée nationale le 23 juin, prévoit plusieurs modifications du Code de la commande publique afin de tenir compte des enjeux environnementaux et notamment :
- crée deux nouveaux motifs d’exclusion des procédures de passation des marchés et des contrats de concession pour :
• les entreprises ne respectant pas les obligations de publication d’informations en matière de durabilité qui leur incomberont après transposition de la directive n° 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 ;
• les entreprises qui ne satisferont pas à l’obligation d’établir un bilan des émissions de gaz à effet de serre prévue par l’article L. 229-25 du Code de l’environnement. - étend à l’État l’obligation d’adopter un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER), déjà prévu à l’article L. 2111-3 du Code de la commande publique (CCP), mais jusqu’à présent réservé aux collectivités territoriales et certains acheteurs dont les achats dépassent un montant total annuel de 50 millions d’euros ;
- accélère la mise en œuvre obligatoire (dès juillet 2024 au lieu d’août 2026) de critères environnementaux et précise à ce titre que l’offre « économiquement la plus avantageuse » s’apprécie aussi en fonction de critères qualitatifs ou environnementaux.
- Projet de loi n°1443 adopté par le Sénat relatif à l’industrie verte
Energie / Environnement
Eolien en mer : la décision de poursuite d’un projet peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat
Par une décision du 10 juillet 2023, le Conseil d’Etat a considéré que le juge administratif est compétent pour connaître d’un recours formé contre un acte par lequel un maître d’ouvrage décide, en application de l’article L. 121-13 du code de l’environnement, du principe et des conditions de la poursuite d’un projet de parc éolien en mer ayant fait l’objet d’un débat public, alors même qu’une telle décision ne figure pas parmi la liste des décisions relatives aux ouvrages de production et de transport d’énergie renouvelable en mer prévue à l’article R. 311-1-1 du code de justice administrative. Elle présente de très utiles enseignements sur le contrôle de la suffisance de la décision de poursuite du projet et plus généralement sur son régime, notamment dans un contexte transfrontalier. Le Conseil d’Etat confirme également la régularité du droit français vis-à-vis du droit de l’Union européenne.
CE, 10 juillet 2023, n° 457659
Photovoltaïque : obligation de déposer une seule demande d’autorisation IOTA pour plusieurs projets formant une même opération, dépendant d’une même personne et concernant un même milieu aquatique
Par un jugement du 9 mai 2023, le Tribunal administratif de Montpellier a jugé que plusieurs projets photovoltaïques implantés sur des parcelles contiguës devaient faire l’objet d’une seule demande d’autorisation environnementale en application de l’article R. 214-42 du code de l’environnement et non de plusieurs déclarations. A cet égard, les juges ont considéré, d’une part, que si les projets étaient réalisés par des personnes morales distinctes, celles-ci avaient le même gérant, si bien que les projets dépendaient d’une même personne. D’autre part, le tribunal a jugé que la circonstance que le milieu récepteur était artificialisé ne faisait pas obstacle à ce que les rejets en eau desdits projets soient considérés comme concernant un même milieu aquatique.
TA Montpellier, 9 mai 2023, n° 2105461
Demande de dérogation espèces protégées : le Conseil d’Etat rappelle l’obligation de prendre en compte les mesures de réduction
Par une décision du 22 juin 2023, le Conseil d’Etat a annulé un arrêt rendu par la Cour administrative de Bordeaux s’agissant d’un projet éolien, aux motifs que « pour apprécier si la société pétitionnaire était dans l’obligation de solliciter une dérogation « espèces protégées », la cour, a considéré, s’agissant tant de l’avifaune que des chiroptères, que les mesures de réduction des impacts sur les espèces protégées n’avaient pas à être prises en compte » et qu’en statuant ainsi, elle avait commis une erreur de droit. En effet, dans cette décision, le Conseil d’Etat a rappelé le principe posé par son avis contentieux n° 463563 du 9 décembre 2022 selon lequel les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte afin d’apprécier si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé.
Projets éoliens en cours d’exploitation : la destruction de plusieurs individus d’espèces protégées ne suffit pas à révéler l’existence de risques suffisamment caractérisés pour ces espèces ou leurs habitats
Par un arrêt du 22 juin 2023, la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé que la destruction de plusieurs individus d’espèces protégées par un projet éolien en cours d’exploitation ne saurait « suffire à révéler l’existence de risques suffisamment caractérisés pour des espèces protégées ou leurs habitats, qu’ils aient été sous-estimés au stade de l’instruction de la demande d’autorisation ou qu’ils soient nouvellement apparus en phase d’exploitation ». Les juges ont donc rejeté la demande tendant à ce qu’il soit enjoint à l’exploitant de déposer une demande de dérogation au titre de la destruction d’espèces protégées.
CAA Lyon, 22 juin 2023, n° 22LY01790
Contrats Publics
Un prix fixé à zéro euro dans le bordereau des prix unitaire (BPU) constitue un geste commercial et non une irrégularité
Après avoir relevé qu’« aucun principe ou règle n’interdit une offre à prix zéro », la Cour administrative d’appel de Nancy a considéré qu’en proposant dans le BPU, un prix de zéro euro au titre de l’une des prestations, le requérant n’a pas modifié le BPU, ce qui était interdit par le règlement de consultation, mais a fait un geste commercial.
En conséquence, faute d’avoir expressément interdit une proposition à prix nul dans les documents de la consultation, l’acheteur ne pouvait régulièrement considérer cette offre comme irrégulière et écarter ce candidat.
CAA de Nancy, 21 juin 2023, n°20NC02252
Indemnisation du candidat irrégulièrement évincé et modulation de son taux de marge pour calculer l’indemnisation
Par une décision du 22 juin 2023, la Cour administrative d’appel de Versailles rappelle les conditions d’indemnisation du candidat irrégulièrement évincé dans le cadre d’un recours en contestation de validité du contrat, telles que fixées par le Conseil d’État (CE, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n°358994).
Dans cette affaire, l’attributaire du marché avait prévu à titre de « prestations supplémentaires » des prestations qui devaient, selon les documents de la consultation, impérativement être fournies par le titulaire dans le cadre de son offre de base.
Dans ce contexte, la Cour procède à un raisonnement en deux temps :
- elle rappelle d’abord le considérant de principe selon lequel : « Lorsqu’une entreprise candidate à l’attribution d’un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d’abord si l’entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l’affirmative, l’entreprise n’a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre. Il convient ensuite de rechercher si l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le marché. Dans un tel cas, l’entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre qui n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique. »
- elle accepte ensuite le principe de l’indemnisation du requérant irrégulièrement évincé, au motif que celui-ci avait des chances sérieuses de remporter le marché, compte tenu de son classement en seconde position, tout exerçant son pouvoir de modulation. La Cour réduit ainsi à la fois (i) la période de calcul de l’indemnisation qui est uniquement due pour la durée ferme du marché (hors reconduction) et (ii) le taux de marge demandé par le requérant de 20 à 15%, faisant ainsi « une juste appréciation du manque à gagner subi », au motif que le taux de 20% n’est pas justifié.
CAA de Versailles, 22 juin 2023, n°20VE01206
L’offre irrégulière du requérant ne fait pas obstacle à l’introduction d’un référé précontractuel mais l’empêche de contester la nouvelle décision d’attribution après la reprise de de la procédure
Saisi de l’attribution de la concession de l’aérodrome de Tahiti-Faa’a, en Polynésie française, le Conseil d’État est venu préciser les conséquences de l’irrégularité de l’offre du requérant sur les recours qu’il est susceptible d’engager en considérant que :
- l’irrégularité de l’offre d’un concurrent évincé, auteur du référé précontractuel, ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir, pour contester l’attribution du contrat, de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire ;
- toutefois, si l’offre de ce concurrent évincé a été jugée irrégulière par une décision juridictionnelle devenue définitive annulant la décision d’attribution du contrat, il ne peut être regardé comme ayant un intérêt à conclure le contrat et habilité à agir contre la nouvelle décision en portant attribution après reprise de la procédure.
Conseil d’État, 1er juin 2023, Egis Airport Operation, n°468930 5.
L’acheteur n’est pas tenu d’informer, ni de « repêcher » un candidat ayant, par erreur, déposé son offre dans le mauvais tiroir numérique
Les circonstances de cette affaire sont une illustration de la dématérialisation désormais quasiment systématique des procédures de passation et des risques associés : une société qui souhaitait se porter candidate à l’obtention d’un marché, a déposé, par erreur, sa candidature et son offre sur le profil d’acheteur dans le » tiroir numérique » dédié à un autre marché, dont les dates limites de remise des offres et candidatures étaient identiques à la consultation à laquelle elle souhaitait répondre.
En annulant la décision rendue par le juge des référés, le Conseil d’État refuse de consacrer une obligation de régularisation en cas d’erreur de dépôt d’une offre et considère qu’ « aucune disposition ni aucun principe n’impose au pouvoir adjudicateur d’informer un candidat que son offre a été déposée dans le cadre d’une autre consultation que celle à laquelle il voulait postuler et, d’autre part, il ne peut rectifier de lui-même l’erreur de dépôt ainsi commise, sauf dans l’hypothèse où il serait établi que cette erreur résulterait d’un dysfonctionnement de la plateforme de l’acheteur public. »
Cette décision est conforme au principe posé par le Code de la commande publique selon lequel le pouvoir adjudicateur a toujours la faculté d’inviter à régulariser, mais n’en a jamais l’obligation.
CE, 1er juin 2023, CA de la région de Château-Thierry, n°469127 6.
Une situation de conflit d’intérêt, même indirect, justifie la déclaration sans suite de la consultation, sans indemnisation des candidats
Un candidat à l’attribution d’un contrat public ne peut prétendre à une indemnisation de son manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d’intérêt général. Selon la Cour administrative de Marseille dans cette affaire : « Constitue, notamment, un tel motif d’intérêt général, l’existence d’une irrégularité dans la procédure de passation, de nature à compromettre la validité du contrat finalement conclu. »
En conséquence, l’acheteur peut valablement déclarer sans suite une procédure de passation d’un marché public, sans indemnité au profit d’un candidat, à la suite de la découverte d’une situation de conflit d’intérêts entre un membre du jury et une société candidate.
En l’espèce, le conflit d’intérêts était indirect, car constitué par la présence dans le jury chargé (i) d’examiner les prestations des candidats, (ii) de les auditionner et (iii) de formuler un avis motivé sur la base duquel le marché serait attribué, d’une salarié d’une association dont la présidente exerçait par ailleurs les fonctions de chef de projet au sein de l’un des membres d’un groupement candidat.
Voir aussi...
Newsletter Energie – Environnement / Contrats publics – Octobre 2023
Publié le 17 novembre 2023 à 17h36
L’actu Tech #4
Publié le 17 novembre 2023 à 14h31
Newsletter droit social – Octobre 2023
Publié le 06 novembre 2023 à 18h07