
A la Une
La perte de confiance peut constituer un motif d’intérêt général justifiant la résiliation anticipée d’un marché public
Par une décision en date du 11 octobre 2022, la CAA de Bordeaux élargit les motifs susceptibles de justifier une résiliation pour motif d’intérêt général en considérant que la perte de confiance entre les parties fait obstacle à la poursuite du contrat, et justifie la résiliation unilatérale du marché.
En l’espèce, le Grand Port Maritime de Guyane (GPMG) reprochait à son assistant technique, titulaire d’un marché de services, des erreurs et lacunes répétées dans le cadre de sa mission d’assistant à maitrise d’ouvrage mettant en cause son impartialité. Cela ressortait (i) de plusieurs courriers et (ii) de l’expertise diligentée par le GPMG pour faire apprécier, par un tiers, la qualité et la pertinence des prestations de son assistant technique.
Dans ce contexte, la CAA constate une « profonde détérioration des relations contractuelles, née d’une perte de confiance entre les parties faisant obstacle à la poursuite du contrat » et valide la résiliation pour motif d’intérêt général du marché ainsi que l’indemnisation de son titulaire dans les conditions prévues par le CCAG applicable, à savoir une indemnisation de 5% du montant du marché au titre du manque à gagner.
Cette décision, si elle venait à être confirmée par le Conseil d’État, permettrait de motiver certaines décisions de résiliation pour « perte » de confiance, permettant l’indemnisation d’une partie du manque à gagner, plutôt qu’une résiliation anticipée pour une faute du titulaire, qui lui est moins favorable.
CAA Bordeaux, 11 octobre 2022, n°21BX02814
Energie / Environnement
- Encadrement des délais contentieux :
Le Décret n°2022-1379 du 29 octobre 2022 publié le 30 octobre au JO encadre les délais des litiges relatifs à certaines décisions rendues dans le cadre des ENR. Il crée un nouvel article R. 311-6 du CJA portant sur les décisions, y compris de refus, relatives à certaines installations ENR hors éolien (méthanisation, photovoltaïque ≥ 5mw et hydroélectrique ≥ 3 MW), et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité. Pour ces décisions :
– les TA et les CAA statuent dans un délai de 10 mois. Si à l’issue de ce délai le juge ne s’est pas prononcé ou en cas d’appel, le litige est porté devant la CAA, qui statue dans un délai de 10 mois. Si, à l’issue de ce délai, elle ne s’est pas prononcée ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant le Conseil d’Etat.
le délai de recours contentieux contre ces décisions est de 2 mois à compter du point de départ propre à chaque réglementation. Ce délai n’est pas prorogé par l’exercice d’un recours administratif.
– Il s’applique aux décisions prises entre le 1er novembre 2022 et le 31 décembre 2026. - Permis de construire modificatif – régularisation loi Littoral
Par une décision du 10 octobre 2022, le Conseil d’Etat a précisé la combinaison entre permis de construire et permis de construire modificatif : un projet autorisé par un permis de construire initial qui méconnaissait l’article L.121-8 du code de l’urbanisme en ce qu’il était situé en discontinuité avec des zones déjà urbanisées peut être régularisé par un permis de construire modificatif dès lors qu’à la date du PCM le projet respecte finalement la règle de continuité, par l’effet de la densification du secteur. Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 10 octobre 2022, 451530. - Ombrières PV et destination « services publics et d’intérêt collectif »
Le juge administratif rappelle que l’installation d’ombrières photovoltaïques contribue à la satisfaction d’un besoin collectif par la production d’électricité vendue au public et doit donc être regardé comme une installation relevant de la destination « services publics ou d’intérêt collectif » au sens du règlement du PLU et non comme relevant de la destination « commerce ». Par suite, le maire de la commune ne pouvait légalement refuser le permis de construire pour ce motif.
CAA de BORDEAUX, 4 oct. 2022, n°20BX03733. - Eoliennes : permis de construire et dérogation espèces protégées
Par une décision du 22 septembre 2022, le Conseil d’Etat a appliqué l’article 15 de l’ordonnance relative à l’autorisation environnementale et a jugé que les permis de construire en cours de validité à la date du 1er mars 2017 autorisant les projets d’éoliennes sont considérés, à compter de cette date, comme des autorisations environnementales : en tant que juge de plein contentieux, il a considéré que le moyen tiré de l’absence de dérogation espèces protégées est opérant alors même, qu’à la date de délivrance du permis, aucune règle n’imposait que soit préalablement délivré une telle dérogation. Il a aussi cassé l’arrêt d’appel en considérant que les insuffisances affectant l’étude d’impact avaient privé le public d’une garantie. CE 22 septembre 2022 Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de l’Aude et autres, n°443458.
CONTRATS PUBLICS
Une offre mentionnant une convention collective inapplicable ou méconnaissant la convention applicable est irrégulière, y compris dans le cadre d’une concession
Par une décision en date du 10 octobre 2022, le Conseil d’Etat a considéré qu’« une offre finale mentionnant une convention collective inapplicable ou méconnaissant la convention applicable ne saurait être retenue par l’autorité concédante et doit être écartée comme irrégulière par celle-ci (…) sans rechercher si cette irrégularité pouvait constituer un avantage pour le candidat ».
Le Conseil d’Etat étend ainsi aux contrats de concession la solution déjà adoptée en matière de marchés publics : l’offre qui méconnaît les stipulations d’une convention collective ignore, de ce fait, la législation en vigueur et est donc irrégulière (CE, 11 décembre 2013, Sté antillaise de sécurité, n°372214). Conseil d’État, 10 octobre 2022, Sté Action développement loisir, n°455691.
Publication de l’avis du Conseil d’Etat relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision
Par un avis du 15 septembre 2022, le Conseil d’Etat a rappelé les possibilités et limites de modification des clauses financières des contrats publics et l’application de la théorie de l’imprévision dans le contexte actuel de hausse exceptionnelle du prix des matières premières,
Ainsi, il est possible, sous certaines conditions, de modifier les seules clauses financières d’un contrat de la commande publique en application des articles R. 2194-5 et R. 2194-8 (s’agissant des marchés publics) et R. 3135-5 et R. 3135-8 (s’agissant des contrats de concession) du code de la commande publique. Le Conseil d’Etat estime néanmoins que le cocontractant de l’administration ne saurait se prévaloir d’un droit à ce que le contrat soit modifié : la modification du marché ou de la concession revendiquée par le titulaire doit être acceptée par la personne publique.
Le Conseil d’Etat rappelle en outre qu’en cas de circonstances imprévisibles bouleversant temporairement l’équilibre économique du contrat, le titulaire peut prétendre au versement d’une indemnité sur le fondement de la théorie de l’imprévision. CE, 15 septembre 2022, Avis relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision.
Par le paiement du prix du marché, l’administration renonce à se prévaloir des erreurs manifestes, qu’elle ne pouvait ignorer
Saisie d’un référé provision, la CAA de Bordeaux a considéré dans une décision en date du 25 octobre 2022 que « si l’exécution de l’obligation du débiteur d’une prestation d’étude prend normalement fin avec la remise de son rapport et le règlement par l’administration du prix convenu, sa responsabilité reste cependant engagée, en l’absence de toute disposition ou stipulation particulière applicable à ce contrat, à raison des erreurs ou des carences résultant d’un manquement aux diligences normales attendues d’un professionnel pour la mission qui lui était confiée, sous réserve des cas où, ces insuffisances étant manifestes, l’administration aurait, en payant la prestation, nécessairement renoncé à se prévaloir des fautes commises. »
En l’espèce, la Cour constate que les erreurs commises par un géomètre dans les relevés d’altimétrie reportés sur des plans constituent un manquement aux diligences normales attendues d’un professionnel pour la mission qui lui était confiée. Toutefois, ces erreurs auraient pu être détectées, avant le surenchérissement du coût du projet résultant de ces erreurs, de sorte que le pouvoir adjudicateur ne peut se prévaloir d’une obligation non sérieusement contestable au sens de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, justifiant l’octroi d’une provision. CAA Bordeaux, 25 octobre 2022, n°22BX01394.
Précisions sur la notion d’unité économique justifiant le rejet de deux sociétés dirigés par la même personne physique
Saisie d’une question préjudicielle portant sur la question de savoir si deux sociétés ayant répondu à un marché public pouvaient être exclues au motif qu’elles constituent une unité économique – car dirigée par une seule et même personne physique -, la CJUE a considéré que :
- les motifs d’exclusion susceptibles de justifier l’exclusion d’un opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché sont fondés sur des éléments objectifs relatifs à sa qualité professionnelle ainsi qu’à un conflit d’intérêts ou à une distorsion de la concurrence qui naîtrait de sa participation à cette procédure ;
- le principe d’égalité de traitement justifie l’exclusion des opérateurs économiques qui forment une unité économique et dont les offres, bien que soumises séparément, ne sont ni autonomes, ni indépendantes.
Voir aussi...
Newsletter droit social – novembre
Publié le 27 novembre 2023 à 17h06
Newsletter Energie – Environnement / Contrats publics – Octobre 2023
Publié le 17 novembre 2023 à 17h36
L’actu Tech #4
Publié le 17 novembre 2023 à 14h31