Parmi l’actualité juridique des derniers mois en Compliance, voici ce qu’il faut retenir :
UNION EUROPEENNE ET LCB-FT, ÇA BOUGE !
En ce début d’année 2024, les députés européens et le Conseil ont conclu différents accords en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (« LCB-FT ») afin d’harmoniser et renforcer les règles dans l’ensemble de l’UE :
- Accord provisoire relatif :
o au Règlement relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme lequel a pour objectif, notamment :
d’étendre la liste des assujettis à la LCB-FT aux clubs et agents de football professionnels, à tous les prestataires de services sur crypto-actifs, ou encore aux négociants de voitures de luxe, d’avions et de yachts ;
de limiter à l’échelle européenne les paiements en espèce à 10.000 euros ;
d’harmoniser les règles de l’UE relatives aux bénéficiaires effectifs et les rendre plus transparentes.
o à la Directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux laquelle a pour objectif, notamment :
de renforcer les pouvoirs des cellules de renseignement financier présentes dans chaque état membre ;
de mettre en place dans chaque état membre une surveillance adéquate et efficace par un ou plusieurs superviseurs
Le règlement et la directive formeront un corpus réglementaire unique en matière de LCB-FT, le règlement organisant les règles applicables au secteur privé et la directive couvrant l’organisation des systèmes institutionnels de LCB-FT au niveau national dans les États membres. L’accord doit être formellement adopté par le Parlement et le Conseil avant de pouvoir entrer en vigueur (date indicative de la séance plénière : 22 avril 2024).
- Accord relatif au siège de la nouvelle autorité de l’UE de lutte contre le blanchiment de capitaux (ALBC) :
S’agissant de l’autorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (ALBC ou AMLA (« Anti-Money Laundering Authority »)) dont la création a été proposée en 2021 par la Commission européenne et qui aura pour mission d’améliorer la surveillance en matière de LCB-FT dans l’UE et de soutenir la coopération entre les cellules de renseignement financier, le 22 février 2024, les représentants du Conseil et du Parlement européen sont parvenus à un accord sur le siège de cette future autorité qui sera basée à Francfort et débutera ses activités courant 2025.
Pour mémoire, neuf états membres avaient présenté leur candidature pour accueillir l’ALBC : la Belgique, l’Allemagne, l’Irlande, l’Espagne, la France, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie ou encore l’Autriche.
ROULEMENT DE TAMBOUR : TRANSPARENCY INTERNATIONAL A PUBLIE SON INDICE DE PERCEPTION DE LA CORRUPTION 2023
Le 30 janvier dernier, Transparency International a publié son Indice de Perception de la corruption, lequel classe 180 pays et territoires en matière de lutte contre la corruption dans le secteur public ; la France étant classée 20ème sur 180 pays et territoires, avec un score de 71 à l’Indice de Perception de la Corruption 2023.
L’occasion pour les entreprises assujetties à l’article 17 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Loi Sapin II ») de vérifier les enjeux de certaines filiales, activités et ou cocontractants situés à l’étranger !
CARNET ROSE A LA COUR D’APPEL DE PARIS : CREATION D’UNE CHAMBRE JURIDICTIONNELLE DEDIEE A LA VIGILANCE
Depuis la catastrophe du Rana Plaza, la France s’érige comme un pays leader dans la lutte contre les atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement en ayant adopté la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (dite « Loi Vigilance ») laquelle met à la charge de certaines sociétés la mise en place d’un plan vigilance et ainsi l’instauration d’un contrôle de leur chaine de valeurs.
Face aux premiers contentieux en la matière, la France a renforcé son engagement en ayant annoncé, le 15 janvier 2024, la création au sein du pôle économique de la Cour d’appel de Paris, une chambre dédiée aux contentieux relatifs au devoir de vigilance et la responsabilité écologique : la chambre 5-12 présidée par Madame Hébert-Pageot. Les premières audiences de cette chambre spéciale sont ainsi intervenues le 5 mars dernier et les décisions sont attendues le 18 juin prochain.
LES MONTAGNES RUSSES DU DEVOIR DE VIGILANCE EUROPEEN
Le 23 février 2022, la Commission européenne a proposé une directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (dite « Corporate sustainability due diligence directive » ou « CSDD »), ayant pour objectif, à l’instar de la Loi Vigilance mais allant plus loin, d’obliger certaines entreprises à prévenir les impacts sociaux et environnementaux tout au long de leur chaîne d’approvisionnement, y compris lorsqu’ils sont issus de leurs propres opérations commerciales.
Initialement, les entreprises visées aux termes de l’accord trouvé entre le Parlement européen et le Conseil le 14 décembre 2023 étaient les suivantes :
• pool 1 : les entreprises de l’Union européenne employant plus de 500 personnes et réalisant un chiffre d’affaires net supérieur à 150 millions d’euros ;
• pool 2 : les entreprises de l’Union européenne agissant dans des secteurs à risques (la fabrication et le commerce de gros de textiles, d’habillement et de chaussures, l’agriculture, y compris la sylviculture et la pêche, la fabrication de denrées alimentaires et le commerce de matières premières agricoles, l’extraction et le commerce de gros de ressources minérales ou la fabrication de produits connexes et la construction) employant plus de 250 personnes et réalisant un chiffre d’affaires net de 40 millions d’euros.
En outre, les entreprises étrangères opérant en Union Européenne étaient également concernées dès atteinte d’un chiffre d’affaires supérieur à 150 millions d’euros en Union européenne.
Après un échec de l’adoption de la directive en ces termes le 28 février dernier en raison de l’opposition de 14 états membres parmi lesquels l’Allemagne et la France, un accord a finalement été trouvé le 15 mars dernier.
Le nouvel accord réduit le nombre d’entreprises concernées, en fixant des seuils d’applicabilité plus élevés. Il supprime par ailleurs la référence aux secteurs à risques. Ainsi, sont ainsi désormais assujetties :
- Les entreprises européennes employant au moins 1.000 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur 450 millions d’euros (et les sociétés mères européennes d’un groupe dépassant ces seuils) ;
- Les entreprises de pays tiers dont le chiffre d’affaires réalisé dans l’Union Européenne est supérieur à 450 millions d’euros ((et les sociétés mères de pays tiers d’un groupe dépassant ce seuil) ;
- Les entreprises ou sociétés mères d’un groupe ayant conclu des accords de franchise ou de licence dans l’Union Européenne et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 80 millions d’euros, si au moins 22,5 millions d’euros sont issus de redevances (disposition applicable aux entreprises européennes et aux entreprises dont le chiffre d’affaires a été réalisé dans l’Union Européenne).
Le texte n’est pas encore définitivement adopté, et doit être voté au Parlement Européen à l’occasion d’une session plénière, qui doit avoir lieu au mois d’avril.
DIRECTIVE CSRD : EN AVANT TOUTE !
Depuis le 1er janvier 2024 s’applique la directive européenne 2022/2464 du 14 décembre 2022 dite « Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) ».
Pour mémoire, la CSRD est venue renforcer le contenu de la déclaration de performance extra-financière (DPEF) portant sur les données ESG (Environnementaux, Sociaux et Gouvernance) à mentionner dans le rapport de gestion des sociétés concernées par la directive. Celles-ci doivent ainsi publier des informations en matière de durabilité relatives à leur modèle commercial et leur stratégie d’entreprise, leurs politiques (y compris leurs procédures de diligence raisonnable mises en œuvre), les résultats de ces politiques, les risques et la gestion de ces risques et, enfin, les indicateurs clés de performance concernant leurs activités. En outre une vérification de ce reporting doit intervenir et donner lieu à un rapport, effectué par un tiers indépendant accrédité.
La directive a été transposée en droit français par l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 complétée par le décret n°2023-1394 du 30 décembre 2023, le décret n°2024-60 du 31 janvier 2024 et deux arrêtés du 28 décembre 2023 qui précisent notamment :
- les sociétés progressivement assujetties :
o à compter du 1er janvier 2024 : les grandes entreprises ou les sociétés consolidantes d’un grand groupe au sens des articles L. 230-1 et L. 230-2 du code de commerce à savoir celles ayant un nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice de plus de 500 salariés et un chiffre d’affaires de plus 40 millions d’euros (et/ou un bilan de plus de 20 millions) ;
o à compter du 1er janvier 2025 : les grandes entreprises ou les sociétés consolidantes d’un grand groupe au sens des articles L. 230-1 et L. 230-2 du code de commerce, à savoir les autres grandes entreprises ayant plus de 250 salariés et un chiffre d’affaires de plus de 40 millions d’euros (et/ou un bilan de plus de 20 millions d’euros) ;
o à compter du 1er janvier 2026 : les petites et moyennes entreprises cotées au sens de l’article L. 230-1 du code de commerce (sauf micro-entreprises à savoir celles ayant moins de dix salariés et un bilan inférieur à 350.000 € ou un chiffre d’affaires inférieur 700 000 €) ainsi que les établissements de crédit de petite taille et non complexes, avec une option de décaler le reporting de deux ans ;
o à compter du 1er janvier 2028 : les sociétés étrangères ayant une succursale, visées à l’article L. 232-6-4 du code de commerce, ayant un chiffre d’affaires supérieur à 150 millions d’euros (C. com., art. D. 232-8-7). - ou encore les informations en matière de durabilité à mentionner au sein du rapport de gestion des sociétés qui reprennent les consignes de la directive : modèle commercial et stratégie de la société, objectifs assortis d’échéances de la société en matière de durabilité et progrès accomplis dans la réalisation desdits objectifs, rôle des organes de direction, d’administration ou de surveillance concernant les enjeux de durabilité et compétences/expertises de ceux-ci à cet égard, politiques de la société relatives aux enjeux de durabilité, incitations liées aux enjeux de durabilité octroyées par la société aux membres des organes de direction, d’administration ou de surveillance, procédure de vigilance mise place, principales incidences négatives potentielles ou réelles, mesures prises pour recenser/surveiller/prévenir ces incidences et résultats obtenus, et principaux risques pour la société liés aux enjeux de durabilité (C. com., art. R. 232-8-4).
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