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Présomption de contrat de travail en matière de sponsoring sportif : une application extensive des dispositions du Code du travail sur le mannequinat

Par un arrêt du 23 juin 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société SPEEDO contre l’arrêt de la Cour d’appel qui avait requalifié les contrats de sponsoring conclus avec des nageurs en contrats de travail assujettis aux cotisations URSSAF.

En l’espèce, cette affaire avait pour origine un contrôle de l’URSSAF. L’organisme avait considéré que de tels contrats, par lesquels les nageurs devaient promouvoir les produits SPEEDO notamment en portant les maillots de bain de la marque lors des compétitions, relevaient de prestations de mannequinat, soumises à une présomption de salariat.

Devant les Juges, la société SPEEDO a tenté, sans succès, de renverser cette présomption en démontrant l’absence de lien de subordination entre elle et les nageurs. Confirmant la décision de la Cour d’appel, la Cour de cassation a indiqué, de façon radicale, que « la présentation au public d’un produit par un sportif à l’occasion de diverses manifestations et notamment, d’exhibitions sportives, avec ou sans compétition, entre dans le champ d’application de la présomption [de salariat] » instituée par les articles L.7123-2 et suivants du Code du travail.

La même deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait déjà rendu un arrêt favorable à la qualification des contrats de sponsoring en contrats de travail le 12 mai 2021 (arrêt UHLSPORT).

Cette tendance de la Cour à appliquer ainsi de façon extensive la notion de lien de subordination, critère du contrat de travail, au contrat de sponsoring est contestable, ne correspondant assurément pas à la nature principale de la relation contractuelle entre le sportif et son sponsor. Elle est également susceptible d’entraîner des conséquences économiques importantes. La décision à venir de la Cour d’appel de renvoi dans l’affaire UHLSPORT sera donc particulièrement intéressante pour envisager les moyens éventuels de surmonter la présomption.

Violation d’un contrat de licence de logiciel : la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et confirme la recevabilité de l’action en contrefaçon

La question du régime de responsabilité, contractuelle ou délictuelle, applicable en cas de violation d’un contrat de licence de logiciel fait débat depuis plusieurs années.

Le 5 octobre 2022, en cassant un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 19 mars 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation a réaffirmé la recevabilité de l’action délictuelle en contrefaçon en cette hypothèse (Entr’ouvert / Orange, arrêt n°705 FS-B).

La Cour d’appel avait tranché en faveur du régime de responsabilité contractuelle, au motif que la société auteur du logiciel donné en licence poursuivait la réparation d’un dommage généré par l’inexécution d’obligations contractuelles par le licencié et non pas par la violation d’une obligation extérieure au contrat de licence.

La Cour de cassation rappelle que « la directive [2004/48] et la directive [2009/24] doivent être interprétées en ce sens que la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d’auteur de ce programme, relève de la notion d’ « atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national », visant expressément l’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne du 18 décembre 2019 (IT Development SAS contre Free Mobile SAS, aff. C-666/18).

En l’occurrence, la Cour de cassation constate que ces garanties ne sont pas assurées par le régime de responsabilité contractuelle, notamment en ce qu’il prive l’auteur du logiciel des outils spécifiques prévus par le Code de la propriété intellectuelle comme la saisie-contrefaçon, le recours au référé-interdiction, le droit à l’information, ou encore le mode de calcul des dommages et intérêts en matière de propriété intellectuelle.

Dans cette hypothèse « d’atteinte portée à ses droits d’auteur, le titulaire, ne bénéficiant pas des garanties prévues aux articles 7 et 13 de la directive 2004/48 s’il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, est recevable à agir en contrefaçon ».

La Cour de cassation réaffirme donc sa position, en cohérence avec celle de la CJUE.

Vigilance particulière concernant les cessions de droits de propriété intellectuelle à titre gratuit

Les Tribunaux sont régulièrement amenés à se prononcer sur la validité des cessions de droits de propriété intellectuelle, en particulier les marques, à titre gratuit.

Dernièrement, on a pu voir que par un jugement du 8 février 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a retenu qu’une cession de droits de propriété intellectuelle à titre gratuit est une donation qui doit être passée devant notaire à peine de nullité (Tribunal judiciaire de Paris, 8 février 2022, n°19/14142). Ce jugement n’a pas fait l’objet d’un appel et plusieurs auteurs se sont interrogés sur sa portée pratique. S’agit-il d’un cas d’espèce ou d’un véritable changement ?

Les cessions de droits de propriété intellectuelle à titre gratuit ou pour un prix symbolique peuvent être rencontrées, par exemple, en cas de cessions intra-groupe ou encore de la part d’associés, collaborateurs ou prestataires au profit d’une société.

Au-delà de la question de la nullité de l’acte telle que tranchée dans le jugement précité, une cession de droits de propriété intellectuelle à titre gratuit ou prix symbolique peut soulever d’éventuels risques auxquels il convient d’être attentif.

Une telle cession gratuite ou à prix symbolique peut principalement présenter des risques fiscaux liés tout d’abord au régime variable de l’imposition. Pour mémoire, la cession à titre onéreux entraîne l’exigibilité des droits d’enregistrement et éventuellement de la TVA.

En outre, l’administration fiscale peut réaliser un redressement au titre de la qualification d’acte anormal de gestion, défini par le Conseil d’Etat comme « l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt » (Conseil d’État, 3ème, 8ème, 9ème et 10ème chambres réunies, 21 décembre 2018, 402006).

« Prudence » doit demeurer le maître mot.

La France se dirige-t-elle, comme certains de ses voisins, vers un système d’appel d’offre pour le remboursement des médicaments ?

Dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, le gouvernement prévoyait la mise en place d’un système d’appel d’offres au niveau national permettant de sélectionner à l’avenir les médicaments remboursés par la sécurité sociale.

En substance, par ce système dit de « référencement périodique de certains médicaments », seuls certains médicaments seraient sélectionnés pour une classe thérapeutique donnée, les médicaments non retenus pouvant être déremboursés à l’avenir.

L’objectif d’« efficience des dépenses d’assurance maladie » est clair  il s’agit de réaliser des économies, notamment vis-à-vis de thérapies innovantes très coûteuses en tenant compte de leurs données d’efficacité thérapeutique.

Ce type de système, qui existe déjà en Grande-Bretagne et aux Pays Bas, a immédiatement déclenché une vague de critiques de la part des industriels du secteur pharmaceutique car il n’est pas sans conséquences pour le marché.

On craint principalement une favorisation importante des acteurs les moins chers sur le marché, notamment les acteurs indiens ou chinois qui profitent de coûts de production réduits. En effet, même si d’autres critères devraient intervenir dans la sélection des médicaments remboursés tels que les « objectifs de développement durable » ou « la sécurité d’approvisionnement que garantit l’implantation des sites de production », le prix de vente demeure un des critères décisifs de l’appel d’offre. Cela mettrait dès lors en danger l’industrie française et exposerait le pays a des ruptures d’approvisionnement plus fréquentes, comme cela a pu être constaté aux Pays Bas par exemple.

Les génériqueurs, dont la rentabilité est moindre que celles des laboratoires « princeps », sont particulièrement menacés par cette mesure puisque chaque classe thérapeutique se verrait théoriquement limitée à 2 ou 3 génériques. Les pertes de marchés subies par ces derniers pourraient engendrer des pertes d’emplois ainsi qu’une hausse du prix de leurs médicaments à cause de la baisse de leur volume de production.

Les pharmacies sont aussi menacées par cette mesure puisqu’elles perçoivent des remises de la part des génériqueurs. La disparition de certains génériques de la sélection des médicaments remboursables impliquerait la perte de cette ressource pour les officines, lesquelles en appellent déjà à une compensation étatique destinée à assurer leur survie.

Face aux critiques virulentes du secteur, le gouvernement vient d’annoncer, ce 17 octobre, qu’il abandonnait également l’idée d’une simple expérimentation, pour préférer une concertation avec toutes les parties prenantes dans l’objectif de relocaliser la production de médicaments en France et en Europe.

Le rapport du CSPLA au sujet des NFT, ou l’esquisse d’un cadre juridique

En juillet 2022, le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) a présenté un rapport sur les NFT. Fruit d’une concertation multisectorielle de plusieurs mois, ce rapport a pour objectif « d’identifier les principaux points de la grille de lecture technique et juridique des « NFT » et de leurs enjeux pour les différents secteurs de la culture ».

Si les professionnels du droit se sont tous déjà questionnés sur le statut juridique des NFT, ce rapport visant à « sécuriser le cadre juridique pour libérer les usages » est une véritable première prise en compte institutionnelle d’envergure sur le sujet.

Pour ce faire, il tente en premier lieu de donner aux NFT une définition juridique, afin d’envisager ensuite le régime qui pourrait leur être applicable.

Le JNF (jeton non fongible en français) y est défini comme un « jeton inscrit sur la blockchain et associé à un « smart contract », qui renvoie à un fichier numérique (image, son, vidéo…) ».

Le rapport identifie ensuite différentes problématiques juridiques, tenant notamment à l’applicabilité des dispositions spécifiques du droit de la propriété intellectuelle aux NFT.

Le Code de la propriété intellectuelle prévoit par exemple un formalisme et des conditions de rémunération strictes en cas de cession ou licence de droits d’auteur. Le recours aux NFT comme outils de transmission de tels droits d’auteurs devrait ainsi être adapté afin de permettre le respect de ces dispositions.

Surtout, le rapport présente des recommandations visant à anticiper les difficultés liées à l’usage des NFT, notamment en matière de défense contre la contrefaçon : détermination des tribunaux compétents, du droit applicable, identification des parties ou encore localisation de l’acte de contrefaçon, auxquelles le droit devra nécessairement s’adapter. De même, le rapport interroge sur la question de comment faire cesser l’acte de contrefaçon alors que le NFT est inscrit dans une blockchain, dont l’un des intérêts est son caractère immuable ?

Il n’en reste pas moins que seul le développement des NFT sur le marché viendra confirmer si les lignes esquissées par ce rapport sont adaptées à ce nouvel objet.

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