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Précisions sur les pouvoirs de régularisation du juge administratif

  • En matière de permis de construire

Par un arrêt du 14 octobre 2024, le Conseil d’Etat a apporté d’utiles précisions sur la mise en œuvre de la régularisation prévue à l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.

En effet, le juge a considéré que lorsque la mesure de régularisation qui lui a été notifiée n’a pas permis de régulariser le vice affectant l’autorisation initiale, il doit en prononcer l’annulation partielle sans qu’il y ait lieu de surseoir à statuer à nouveau.

En revanche, si la mesure de régularisation est de nature à régulariser le vice, mais que celle-ci est entachée d’une illégalité qui lui est propre, alors le juge peut de nouveau surseoir à statuer pour permettre la régularisation de l’autorisation modificative.

CE, Section, 14 octobre 2024, n° 471936, publié au recueil Lebon

  • En matière d’autorisation environnementale

Par un récent arrêt n° 20NT03390 du 18 octobre 2014, la Cour administrative d’appel de Nantes a précisé les modalités de recours contentieux contre un rejet de demande de régularisation d’une autorisation environnementale intervenant à la suite d’un sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement.

Dans un premier arrêt avant-dire droit, la Cour administrative d’appel de Nantes avait sursis à statuer en application de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement pour permettre au préfet de régulariser l’arrêté d’autorisation environnementale litigieux, notamment en ce qu’il ne comportait pas de dérogation « espèces protégées » (DEP) (CAA Nantes, 7 janvier 2022, n° 20NT03390).

Toutefois, dans le cadre de la procédure de régularisation, le préfet a rejeté la demande de DEP de la société pétitionnaire.

Dans son arrêt au fond, la Cour a alors jugé que :
« 22. Si aucune mesure de régularisation n’est notifiée au juge administratif qui a sursis à statuer à fin de régularisation, il lui appartient de prononcer l’annulation de l’autorisation contestée devant lui, sans que puisse être contestée la légalité du refus opposé, le cas échéant, à la demande de régularisation présentée par le bénéficiaire de cette autorisation. Une telle contestation ne peut intervenir que dans le cadre d’une nouvelle instance, qui doit être regardée comme dirigée contre le refus d’autoriser le projet dans son ensemble, y compris les modifications qu’il était envisagé d’y apporter. »(CAA Nantes, 18 octobre 2024, n° 20NT03390).

La Cour a ainsi considéré qu’il n’était pas possible de contester la décision rejetant la demande de régularisation de l’autorisation environnementale dans la même instance et qu’un nouveau recours était nécessaire.

ENERGIE / ENVIRONNEMENT

  • EOLIEN

Le Conseil d’Etat a jugé qu’un parc éolien d’une puissance de 18 mégawatts en Occitanie ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) au sens de l’article L. 411-2 du code de l’environnement

Selon le Conseil, le projet en cause « (…) n’apporterait qu’une contribution modeste à la politique énergétique nationale de développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie dans un département qui ne souffre d’aucune fragilité d’approvisionnement électrique et compte déjà un grand nombre de parcs éoliens, la cour a entaché de l’arrêt attaqué d’erreur de qualification juridique des faits ».

L’arrêt déféré devant le Conseil d’Etat étant daté du 20 avril 2023, la Haute juridiction ne pouvait pas fair application de la présomption de RIIPM (pour les parcs d’une puissance prévisionnelle supérieure ou égale à 9 MW) instaurée par le décret n° 2023-1366 du 28 décembre 2023, postérieur à l’arrêt d’appel.

CE, 9 septembre 2024, n° 475241 (a contrario pour un arrêt qui applique la présomption de RIIPM, voir CAA Toulouse, 4 avril 2024, n° 22TL21068)

Le juge administratif a confirmé un refus d’autorisation pour un parc de 5 éoliennes, au motif que le pétitionnaire aurait dû déposer une demande de dérogation « espèces protégées » (DEP) pour six espèces d’oiseaux, en l’espèce le faucon crécerellette, le milan royal, de l’aigle royal, le vautour fauve, le circaète Jean-le-Blanc et le milan noir

Saisie d’un arrêté de refus d’autorisation rendu à la suite de l’annulation d’un premier arrêté de refus qui avait été annulé par le juge, la Cour a relevé que l’autorité de la chose jugée ne faisait pas obstacle à ce que l’autorité administrative refuse à nouveau l’autorisation sollicitée en se fondant sur l’absence de demande de dérogation « espèces protégées » dès lors que le juge avait censuré le premier arrêté pour insuffisance de motivation concernant la nécessité de déposer une DEP.

La Cour relève ensuite que les impacts du projet sur les espèces d’oiseaux protégés ont été significativement sous-évalués par le pétitionnaire qui avait retenu des impacts bruts « faibles » voire « très faibles » alors que, par exemple, pour le vautour fauve, les inventaires ont confirmé une fréquentation importante du site qui était couvert par un PNA et que plusieurs zones de nidification sont localisées à proximité du site.

Dans ce contexte, les mesures prévues par le pétitionnaire, dont un système de détection-réaction qui a été en compte par la Cour, n’étaient pas suffisantes pour réduire le risque au point qu’il n’apparaisse pas suffisamment caractérisé. CAA Toulouse, 3 octobre 2024, n° 23TL02120

  • PHOTOVOLTAÏQUE

Le Conseil d’Etat a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité de l’article 54 de la loi APER du 10 mars 2023 portant création du régime juridique de l’agrivoltaïsme

Par une décision du 3 octobre 2024, le Conseil d’Etat a rejeté la QPC relative à la conformité de l’article 54 de la loi APER du 10 mars 2023 portant création du régime juridique de l’agrivoltaïsme.

Les requérants soutenaient notamment qu’en s’abstenant de prévoir des dispositions spécifiques pour lutter contre l’artificialisation des sols, le législateur aurait méconnu le droit de chacun, notamment des générations futures, de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (Art. 1er de la Charte de l’environnement et alinéa 7 de son préambule).

Pour le Conseil, ce grief ne présente pas de caractère sérieux dès lors que :

  • le régime juridique de l’agrivoltaïsme favorise la production d’énergie solaire, poursuivant ainsi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ;
  • la production d’énergie solaire dans les espaces NAF a été suffisamment encadrée par le législateur qui a notamment prévu une exigence de réversibilité (point 8).

CE, 3 octobre 2024, n° 494941

Le juge administratif a annulé un refus de demande de permis de construire pour une centrale agrivoltaïque située dans une commune soumise à la loi Montagne

Par un récent jugement du 19 septembre 2024, le Tribunal administratif de Lyon a censuré un arrêté préfectoral de refus de permis de construire motivé par le fait que la nécessité du projet pour l’activité agricole n’était pas démontrée au sens de l’article L. 122-11 du Code de l’urbanisme. Il a estimé que les ombrières photovoltaïque permettront une amélioration agronomique du sol et une augmentation de la mise en herbe du troupeau, tout en protégeant les brebis des prédateurs et en améliorant le bien-être animal.

TA Lyon, 19 septembre 2024, n° 2311036

CONTRATS PUBLICS

La DAJ publie un Guide de bonnes pratiques de facturation et de règlement dans les marchés publics de travaux

Le guide, élaboré avec l’Observatoire économique de la commande publique et du Médiateur des entreprises, a pour objectif principal d’améliorer la communication entre les parties et de limiter les situations de rejet des demandes de paiement ou de retard dans leur traitement.

Le document se divise en deux parties portant respectivement sur :

  • la demande de paiement mensuelle et,
  • les particularités liées au paiement du solde du marché.

Guide sur les bonnes pratiques de facturation et de règlement dans les marchés publics de travaux, DAJ, 9 septembre 2024

Des manquements similaires doivent être notés de la même manière

Par une décision du 18 juillet 2024, le Conseil d’État a considéré qu’une différence de notation entre des offres affectées de manquements similaires constitue une méconnaissance du principe d’égalité de traitement entre les candidats.

CE, 18 juillet 2024, n° 492880

Le Conseil d’État valide l’écoulement d’un délai de 15 mois entre l’attribution d’un marché et l’information du candidat évincé du rejet de son offre

Le Conseil d’État a considéré que l’écoulement d’un délai de 15 mois entre l’attribution d’un marché et l’information du candidat évincé du rejet de son offre ne constitue pas, à lui seul, un manquement de l’acheteur à ses obligations de transparence et de mise en concurrence au sens de l’article L. 551-1 du CJA.

Selon la Haute Juridiction, même si les articles L. et R. 2181-1 du Code de la commande publique imposent à l’acheteur de communiquer aux candidats évincés sa décision de rejet

« sans délai » et « dès qu’il a fait son choix », ce qui laisse entendre que cette communication doit être immédiate, la tardiveté de la communication ne constitue pas un manquement, dès lors que le délai qui s’est écoulé entre la communication et la date à laquelle le juge du référé précontractuel statue a été suffisant pour permettre au candidat de contester utilement son éviction.

Autrement dit, le délai de communication de l’information n’a pas d’importance, dès lors que la communication a effectivement permis au candidat de critiquer utilement la décision de rejet.

CE, 27 septembre 2024, Région Guadeloupe, n° 490697

Une réglementation nationale ne peut valablement prévoir l’exclusion systématique de l’offre d’un groupement d’entreprises en raison du retrait de l’un de ses membres

La CJUE a jugé que la directive 2004/18 interprétée à la lumière du principe de proportionnalité s’oppose à ce qu’une réglementation nationale prévoit l’exclusion systématique de l’offre d’un groupement d’entreprises en raison du retrait de l’un de ses membres.

En l’espèce, la législation italienne interdisait toute possibilité de modification du groupement sous peine d’entraîner son exclusion de la procédure de passation, y compris dans l’hypothèse où l’offre du groupement a expiré et que le pouvoir adjudicateur décide d’en proroger la validité.

Pour la Cour, cette interdiction n’est pas proportionnée dès lors que :

  • Aucune dérogation n’a été prévue, laissant ainsi la possibilité au pouvoir adjudicateur de proroger la validité des offres à plusieurs reprises, au détriment des entreprises pour lesquelles il peut y avoir des conséquences financières importantes.
  • L’exclusion est systématique, alors que le principe de proportionnalité impose au pouvoir adjudicateur de se livrer à une appréciation concrète et individualisée de l’attitude de l’entité concernée.

CJUE, 26 septembre 2024, Luxone Srl et Sofein SpA c/ Consip SpA aff. Jtes, C-403/23 et C-404/23

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