
Face au vieillissement démographique et à un taux d’emploi des séniors en France inférieur à celui des autres pays européens, les pouvoirs publics se sont saisis de la situation.
Un accord national interprofessionnel (ANI) a été signé en date du 14 novembre 2024 sur l’emploi des salariés expérimentés. Ce texte est en cours d’extension et de transposition via un projet de loi qui devrait être définitivement adopté lors de la rentrée parlementaire, sous réserve de l’actualité politique.
Dans la continuité de l’ANI du 14 novembre 2024 et faisant écho à l’obligation de négociation au sein des branches professionnelles prévues par ce texte, les partenaires sociaux du secteur pharmaceutique se sont dotés d’un accord collectif de branche relatif à l’emploi des séniors conclu le 8 juillet 2025.
Cet accord négocié dans une branche employant 37 % de salariés âgés de 50 ans ou plus, entrera en vigueur le 1er janvier 2026 pour une durée de 3 ans.
L’étape du diagnostic préalable
Tant l’ANI que l’accord de branche de l’industrie pharmaceutique prévoit une étape préalable de diagnostic. Il doit porter sur le recrutement, le maintien dans l’emploi, les conditions de travail et l’état des parcours professionnels des salariés expérimentés (ex : usure, santé, compétences, transitions professionnelles) et doit permettre d’identifier les écarts, les freins, les potentiels d’amélioration, afin de proposer des mesures adaptées.
Outre le diagnostic établi au sein de la branche de l’industrie pharmaceutique, qui figure en annexe de l’accord de juillet 2025, les entreprises de plus de 300 salariés du secteur pharmaceutique seront tenues de procéder à cette phase de diagnostic en s’appuyant sur les outils existants dans l’entreprise (BDESE et DUERP).
Négociation obligatoire en entreprise
Une obligation de négociation est instituée dans les entreprises de plus de 300 salariés (reprenant l’obligation prévue par l’ANI en cours de transposition) ; à défaut d’accord elles devront mettre en œuvre un plan d’action sur la base des éléments issus du diagnostic préalable.
Les thèmes obligatoires de négociation sont les suivants : recrutement des salariés expérimentés, maintien dans l’emploi, aménagement des fins de carrière (retraite progressive, temps partiel), santé au travail et prévention des risques, organisation et conditions de travail ainsi que transmission des savoirs et compétences.
Les entreprises non soumises à cette obligation (en-deçà de 300 salariés) sont fortement encouragées à adopter cette démarche.
Encourager le recrutement des séniors
Afin de soutenir la dynamique observée dans la branche concernant le recrutement des séniors, l’accord prévoit la poursuite des actions de recrutement (avec un suivi annuel au niveau de la branche de l’indicateur sur ces recrutements), de la sensibilisation contre la discrimination et la valorisation de l’expérience professionnelle lors des recrutements.
La branche se saisit également de la faculté de recourir au contrat de valorisation de l’expérience, CDI expérimental mis en place par l’ANI de 2024, en l’élargissant aux salariés d’au moins 57 ans (versus un âge minimum de 60 ans dans l’ANI et le projet de loi de transposition).
Ce contrat permet à l’employeur de décider d’une mise à la retraite dés que le salarié atteindra l’âge légal de départ à la retraite et remplira les conditions de la liquidation à taux plein (tout en étant exonéré de la contribution patronale de 30% sur l’indemnité de mise à la retraite).
Maintien des compétences et de l’employabilité des séniors
Les employeurs devront mettre en place les actions de formation nécessaires à l’appropriation des nouvelles technologies, sensibiliser les séniors à l’utilisation de leur CPF et proposer des accompagnements individualisés et des entretiens personnalisés à partir de 55 ans.
Un entretien professionnel renforcé de mi-carrière devra être organisé (dans les 2 mois qui suivent la visite médicale de mi-carrière) afin d’aborder les éventuelles adaptations du poste, la prévention des situations d’usure, les besoins en formation et éventuels souhaits de mobilité ou de reconversion. Il permet également de l’informer sur les dispositifs prévus par l’accord GEPP de la branche du 25 mai 2023 (notamment une demi-journée d’absence autorisée pour réaliser l’examen de prévention santé à partir de 50 ans) et un bilan de l’entretien est remis au salarié.
Aménagement des conditions de travail et prévention des risques
Un suivi spécifique est imposé concernant les salariés de plus de 55 ans et/ou ayant une ancienneté de plus de 15 ans dans leur poste et qui sont travailleurs de nuit, postés ou en situation de handicap (ainsi qu’aux salariés qui sont le plus exposés aux risques professionnels compte tenu des spécificités de chaque entreprise). Plus largement, elles devront instaurer des actions de prévention pour les plus de 55 ans (incluant notamment l’aspect ergonomique et aménagement de poste).
Des négociations devront être initiées sur les dispositifs de gestion de fin de carrière (réduction des responsabilités, réaffectations volontaires, télétravail, congés supplémentaires, etc.).
Accompagnement des fins de carrière
Les entreprises auront un rôle d’accompagnement voire de conseil dans la construction des fins de carrière : information régulière sur les dispositifs d’aide à la préparation à la retraite et des dispositifs existant pour anticiper ce départ, entretien prévu par l’ANI de fin de carrière entre 58 et 60 ans ainsi qu’un entretien de préparation à la mise en œuvre des dispositifs de fin de carrière organisé sur demande du salarié.
Concrètement les dispositifs suivants de fin de carrière pourront être mobilisés :
- le recours au temps partiel dans les 2 ans précédant la retraite à taux plein avec mobilisation totale ou partielle de l’indemnité conventionnelle de départ à la retraite pour compenser la perte de revenu.
- la retraite progressive conformément aux dispositions réglementaires applicables, étant rappelé qu’un décret du 15 juillet 2025 a abaissé l’âge requis à 60 ans (versus 62 ans au préalable).
- l’utilisation de l’indemnité conventionnelle de départ à la retraite pour financer un départ anticipé.
Les entreprises devront mettre en œuvre l’un des 4 dispositifs suivants pour accompagner le salarié concerné lorsqu’il mobilise tout ou partie de son indemnité conventionnelle pour gérer sa fin de carrière : maintien à 100% de la part patronale des cotisations de retraite de base, octroi d’un jour supplémentaire par mois complet d’indemnité utilisé, abondement de l’indemnité conventionnelle ou octroi d’une indemnité plus favorable.
L’emploi des séniors représente un enjeu sociétal majeur, dont la gestion repose largement sur les entreprises, également responsables de la préservation des compétences. À ce jour, l’obligation de négociation sur ces sujets n’est assortie d’aucune sanction. Par ailleurs, compte tenu des coûts organisationnels et financiers importants, la réussite de ces mesures dépendra des dispositifs de soutien et d’accompagnement mis en place.
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