L’application du droit européen de la concurrence au Mouvement Olympique
Le saviez-vous ?
Le Mouvement Olympique est défini comme l’action concertée, organisée, universelle et permanente, exercée sous l’autorité suprême du Comité International Olympique (CIO), de tous les individus et entités inspirés par les valeurs de l’Olympisme.
Le CIO est notamment responsable de superviser l’organisation des Jeux Olympiques (JO). Son rôle principal est de promouvoir l’Olympisme, une philosophie de vie qui combine le sport, la culture et l’éduction, en encourageant le fair-play, la tolérance et d’autres valeurs fondamentales.
Le CIO reconnait différentes fédérations internationales de sport (FI), organismes s’assurant de l’intégrité de la pratique de leurs sports respectifs à l’échelle mondiale, ainsi que différents comités nationaux olympiques (CNO), chargés de développer, promouvoir et protéger le Mouvement olympique dans leurs pays respectifs.
Pour être reconnues, ces entités doivent respecter la Charte Olympique et remplir plusieurs critères tels que l’organisation de compétitions nationales ou internationales régulières, la promotion des valeurs olympiques ou encore la mise en place de règles sportives garantissant le fair-play et la sécurité des athlètes.
Les spécificités du domaine sportif
Le domaine sportif, en ce compris le Mouvement Olympique, se distingue des autres secteurs par son rôle culturel, intégrateur, social et sanitaire important.
Des règles spéciales (règles du jeu, critères de sélection pour les compétitions sportives, règles relatives à la composition d’équipes nationales, réglementations anti-dopage) et une certaine autonomie juridique (Tribunal arbitral du sport) sont applicables au domaine sportif, justifiées par des motifs non économiques et les objectifs légitimes poursuivis tels que l’égalité des chances, l’incertitude des résultats, l’intégrité et l’objectivité de la compétition, ou le respect des valeurs éthiques.
Le droit européen de la concurrence s’applique aux activités économiques des organisations sportives
Les FI et CNO sont des organisations sportives qui exercent, au sens du droit européen de la concurrence, une activité économique.
En effet, ces organisations sont impliquées dans des activités lucratives liées au sport telles que l’organisation d’évènements sportifs générant des revenus par la vente de billets, les droits de diffusion télévisuelle, la publicité, le parrainage, les droits de licence pour les produits dérivés, etc. Le sport amateur fait donc l’objet d’une activité économique au même titre que le sport professionnel.
Ainsi, quand bien même le secteur du sport, et particulièrement le Mouvement Olympique, présente certaines spécificités au regard de son rôle culturel et social et des règles spéciales lui étant applicables, les organisations sportives doivent s’assurer du respect du droit de la concurrence dans l’exercice de leurs activités.
Illustrations
Activité non-économique exclue de l’application du droit de la concurrence
Règlementation antidopage adoptée par le CIO
- Le CIO est légitime à adopter une règlementation luttant contre le dopage.
- A ce titre, le CIO n’exerce pas une activité économique, alors même que la liberté d’action des athlètes est limitée par la règlementation et qu’elle a pour effet inhérent de restreindre la concurrence potentielle entre eux, dans le but de préserver le déroulement loyal, intègre et objectif de la compétition sportive, d’assurer l’égalité des chances entre les athlètes, de protéger leur santé ainsi que de faire respecter les valeurs éthiques qui sont au cœur du sport, au nombre desquelles figure le mérite.
Illustration : CJUE, 18 juillet 2006, Meca Medina, aff. C-519/04 P
Activité économique tombant dans le champ d’application du droit de la concurrence (Entente)
Fixation des prix de la billetterie par le Comité organisateur
- Le comité du pays organisateur peut confier aux CNO des autres pays la revente des billets mais doit leur permettre de les revendre à un prix inférieur à leur valeur nominale si nécessaire.
Illustration : Comm. eur., Système de billetterie pour les jeux olympiques d’Athènes, aff. COMP/D-3/38.468
Paris 2024 : À partir des Jeux de Paris 2024, les billets pour les Jeux Olympiques sont mis en vente sur une plateforme unique et dédiée, exploitée et gérée par le comité du pays organisateur, à des prix standardisés. Les CNO des autres pays ne sont plus impliqués dans la revente des billets.
Fédérations internationales et conflits d’intérêts
- Les FI ne doivent pas soumettre à un régime d’autorisation préalable et de sanction la participation des athlètes à des compétitions concurrentes organisées par des tiers
- Si ce pouvoir leur est confié, il convient de l’assortir de limites, d’obligations et de contrôle appropriés
Illustration : CJUE, 21 déc. 2023, International Skating Union, aff. C-124/21 P
Activité économique tombant dans le champ d’application du droit de la concurrence (Abus de position dominante)
Restriction de la publicité des athlètes et de leurs sponsors
- Le CIO et les fédérations internationales occupent une position dominante sur le marché de l’organisation et de la commercialisation des Jeux Olympiques.
- Les directives édictées par ces organisations interdisant que le nom, l’image ou les performances sportives d’un athlète soient utilisés à des fins publicitaires personnelles pendant les Jeux Olympiques et quelques jours avant le début des Jeux sont susceptibles de constituer un abus de position dominante
Illustration : German Competition Authority, 27 February 2019, DOSB / IOC
Attribution de droits spéciaux ou exclusifs à des associations sportives
- Les États peuvent accorder des droits exclusifs ou spéciaux à des associations sportives, leur conférant ainsi une position dominante, sans que cela ne permette à ces associations d’exploiter abusivement de cette position, par exemple en exerçant les droits en question d’une façon qui empêche des entreprises potentiellement concurrentes d’accéder au marché concerné ou à des marchés connexes ou voisins
Illustration : CJUE, 21 déc. 2023, European Super League Company, aff. C‑333/21
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