Depuis le 1er novembre, de nouveaux outils procéduraux pour la résolution amiable notamment des litiges complexes / industriels
Dans le sillage du plan d’action pour la Justice annoncé en début d’année par le Garde des Sceaux, le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a créé deux nouveaux outils favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable (ARA) et la césure.
Les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle « politique de l’amiable » viennent d’être précisées dans une circulaire diffusée le 17 octobre.
L’objectif ? Opérer un changement de culture des acteurs du procès civil, en renforçant le rôle du juge dans la mise en œuvre des modes alternatifs de règlement des différends (MARD), pour une justice plus rapide et efficace, notamment selon la volonté politique affichée, pour la résolution des litiges complexes.
Applicables aux instances introduites à compter du 1er novembre 2023, l’ARA et la césure s’inspirent de pratiques judiciaires qui ont déjà fait leurs preuves à l’étranger.
L’audience de règlement amiable, un outil dont il est permis de douter de l’efficacité pour les différends les plus complexes
Sur le modèle de la conférence de règlement amiable (CRA) québécoise[1], l’ARA permet de confier à un juge qui n’est pas celui saisi du litige la mission d’amener les parties, dans un cadre confidentiel, à trouver une solution au conflit qui les oppose[2]. Cette audience peut avoir lieu à tout moment de la procédure, à la demande des parties ou d’office après avoir recueilli leurs avis[3]. Si des conclusions et des pièces ont déjà été échangées entre elles, le juge peut en avoir connaissance, et a toute latitude pour entendre les parties ensemble ou séparément afin qu’elles parviennent à un accord[4].
La principale différence avec les autres MARD réside dans le rôle central conféré au juge en charge de l’ARA, auquel il incombe, contrairement à un conciliateur ou à un médiateur, de rappeler aux parties les grands principes de droit applicables à leur litige[5]. La circulaire du 17 octobre dernier précise néanmoins que sa mission, outre l’écoute des parties, implique de mêler les techniques de conciliation et de médiation.
Encore faudra-t-il former les magistrats à ces méthodes, ce qui interroge – en l’état – quant à la pertinence de l’ARA par rapport à l’intervention d’un médiateur professionnel, rompu à ces techniques de l’amiable et disposant le plus souvent d’une connaissance technique pointue du secteur concerné.
Enfin, si l’objectif poursuivi est de diviser par deux le temps consacré à la résolution d’un litige[6], il reste que la durée maximale de l’ARA préconisée par la circulaire du 17 octobre est d’une journée seulement[7]. Cette célérité paraît peu compatible avec la résolution de litiges complexes, de sorte que l’ARA sera sans doute mieux adaptée aux « petits » litiges. Et ce, à condition que les magistrats honoraires juridictionnels et les magistrats à titre temporaire auxquels il est prévu de confier le traitement de ce nouveau mode amiable[8] soient en nombre suffisant…
La césure du procès civil, un outil dont les professionnels feront bien de se saisir pour la résolution des litiges industriels
S’inspirant des modèles néerlandais et allemand, la césure du procès civil est le second nouvel outil de résolution amiable des litiges applicable depuis le 1er novembre 2023 dont l’objectif est également d’accélérer le temps de traitement des dossiers[9].
La césure consiste à faire prioritairement et partiellement trancher par le juge du fond le litige sur la ou les questions de droit qui constituent le point central du litige (telle la responsabilité) pour inciter les parties à s’accorder ensuite, entre elles, sur les autres points non tranchés, notamment les conséquences indemnitaires, en les renvoyant si besoin à un MARD classique (par exemple en médiation pour la seule liquidation du préjudice)[10].
Ce modus operandi était déjà parfois mis en œuvre par certaines chambres spécialisées mais le Code de procédure civile ne l’encadrait par aucune disposition spécifique ce qui pouvait être source d’insécurité juridique / procédurale.
Le garde des Sceaux a précisé que les dossiers intégrant une demande césure seront prioritaires afin d’inciter les parties à y recourir.
La césure apparait ainsi particulièrement adaptée aux litiges industriels dans lesquels les parties pourront choisir le confier la résolution du point de droit nodal au Juge et s’organiser entre elles pour la détermination du préjudice, notamment en désignant un expert-tiers reconnu dans le secteur.
Bien que la césure incite les parties à recourir, au moins partiellement, à un MARD, elles doivent préalablement se mettre d’accord sur l’identification de la ou des prétentions dont elles sollicitent un jugement partiel[11]. Contrairement à l’ARA, la césure du procès civil est en effet à l’initiative des parties uniquement, qui peuvent la solliciter à tout moment de la procédure[12].
Le succès de l’ARA et de la césure reste en tout état de cause subordonné à un changement de paradigme dans la pratique judiciaire et à la volonté des acteurs du procès de s’emparer de ces nouveaux outils.
[1] Discours d’Éric DUPOND-MORETTI, Garde des Sceaux – Présentation à la presse du Plan d’action issu des Etats Généraux de la Justice – Hôtel de Bourvallais – Jeudi 5 janvier 2023
[2] Circ. n° JUSC2324682C, 17 oct. 2023 : BOMJ 17 oct. 2023, p. 3
[3] Circulaire précitée, p. 6
[4] Circulaire précitée, p. 8
[5] Circulaire précitée, p. 8
[6] Discours du Garde des Sceaux précité
[7] Circulaire précitée, p. 8
[8] Discours du Garde des Sceaux précité
[9] Discours du Garde des Sceaux précité
[10] Circulaire précitée, p. 14
[11] Circulaire précitée, p. 15
[12] Circulaire précitée, p. 14
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