Les défis

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Plusieurs décisions de jurisprudence récentes se sont prononcées sur le régime des dérogations à l’interdiction de destruction des espèces protégées (DDEP), à la fois sur les critères justifiant de solliciter une telle DDEP et sur les conditions permettant son obtention. Quelles en sont les conséquences pratiques et immédiates pour les porteurs de projets et les exploitants EnR ? 

Les critères renouvelés imposant d’obtenir une DDEP 

Le juge administratif a récemment considéré que, dans certains cas, un impact résiduel faible l’égard d’espèces protégées n’exempte pas nécessairement le porteur de projet de solliciter une demande de dérogation (s’agissant des chiroptères, voir CAA Bordeaux, 9 mars 2021, 19BX03522 ; CAA Nancy, 26 janvier 2021, 20NC00876 ; CAA Nancy, 26 janvier 2021, 20NC00316). 

On relèvera notamment le fait qu’une DDEP est nécessaire lorsque :

• « l’étude sur les milieux naturels qualifie l’impact résiduel du projet comme nul après mise en œuvre de ces mesures d’évitement et de réduction » alors « que les mesures de bridage envisagées permettront de « limiter à 90 % les risques de mortalité par collision » (CAA Nancy, 26 janvier 2021, 20NC00876) 

• « Après mise en place de mesures d’évitement et de réduction, l’étude d’impact conclut que les  » impacts résiduels [sont] négligeables à faibles pour l’ensemble des groupes d’espèces présents sur l’aire d’étude rapprochée « , sans que l’existence d’un impact résiduel ne puisse être exclu, s’agissant notamment des risques de collision accidentelles, notamment pour la Pipistrelle commune fréquemment observée sur le site (…) » (CAA Nancy, 26 janvier 2021, 20NC00316) 

• Les mesures prévues « ne sont pas de nature à éviter tout risque pour ces espèces » (CAA Bordeaux, 9 mars 2021, 19BX03522) 

Une jurisprudence plus équilibrée doit toutefois être soulignée. Il a été jugé qu’un projet ne nécessitait pas de solliciter une DDEP dès lors « qu’un seul Milan Royal et une seule Grue cendrée ont été observés sur l’aire d’étude rapprochée, qui ne présente ainsi aucune sensibilité particulière pour ces deux espèces » en tenant compte de « l’implantation retenue pour les éoliennes, perpendiculairement au principal couloir de migration des rapaces et en dehors de celui-ci dans un site sans sensibilité particulière pour cette espèce » (CAA Nancy, 26 janvier 2021, 20NC00876). 

Enfin, dans le cadre d’une question préjudicielle posée par une juridiction suédoise, la CJUE a considéré que dans le cas d’activités d’exploitation forestière ou d’occupation des sols, l’interdiction de détruire ou déranger des espèces protégées ne s’appliquerait pas seulement lorsqu’il existe un risque d’incidence négative sur l’état de conservation des espèces (CJUE, 4 mars 2021, C-473/19 et C-474/19). Pour autant, la Cour ne précise pas les critères permettant de caractériser le seuil à partir duquel une dérogation devrait, dans ces conditions, être sollicitée. 

Les 3 conditions que le projet doit vérifier pour obtenir une DDEP 

L’obtention d’une DDEP suppose que le projet vérifie trois critères cumulatifs.

 Sur la raison impérative d’intérêt public majeur 

Pour vérifier si un projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur, la jurisprudence s’attache en particulier à la contribution du projet, qui doit être significative, aux politiques publiques en matière d’environnement et de promotion des énergies renouvelables, tout en tenant compte des circonstances locales particulières notamment en termes de production d’électricité ou de diversification des sources de production d’énergie.

Le Conseil d’Etat vient de juger qu’un projet éolien situé dans la forêt de Lanouée en Bretagne répondait à cette condition eu égard aux objectifs nationaux et communautaires de promotion de production des énergies renouvelables et au regard du « caractère fragile de l’approvisionnement électrique de la Bretagne, résultant d’une faible production locale ne couvrant que 8 % des besoins de la région, et a retenu que le projet s’inscrit dans l’objectif du « pacte électrique », signé le 14 décembre 2010 entre l’Etat, la région Bretagne, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), le réseau de transport de l’électricité (RTE) et l’agence nationale de l’habitat (ANAH), prévoyant d’accroître la production d’électricité renouvelable dans cette région. » (CE, 15 avril 2021, n° 430500).

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